Sois toi-même : le meilleur mauvais conseil au monde
Donner des conseils est toujours ridicule, mais donner de bons conseils est absolument fatal
Oscar Wilde
“Sois toi-même !”
À quel point est-ce devenu vide de sens ?
“Je suis moi-même, si tu n’aimes pas c’est pas mon problème !” (il ne manque que le na ! et la voix d’un enfant de 5 ans)
C’est l’arme de la paresse, de la non-remise en question et de la position de victime.
La même rengaine que les “chacun croit ce qu’il veut” – “chacun se fera son idée” – “chacun sa vérité” qu’on voit avant même de commencer à discuter et à échanger.
Comme si aujourd’hui on avait peur de discuter, de réfléchir et de se confronter.
C’est l’échappatoire à ce qui demande un effort de remise en question.
Ou pire, c’est le déguisement du non-jugement et de la bienveillance dégoulinante qui pourrit les réseaux sociaux et la société : bien faire attention à ne rien dire qui pourrait froisser, pas pour éviter de froisser, mais pour éviter d’être mal vu.
Je trouve d’une tristesse affligeante. J’aimerais qu’on soit plus nombreux à lutter contre ça, à développer l’anti-stupidité.
Mais je m’emballe, revenons à nos moutons.
“Sois toi-même !” n’est pas un mauvais conseil.
Peu comprennent ce que veut dire être soi-même. Peu savent que c’est une démarche pour lutter contre l’ignorance.
Pourquoi ?
Parce que quand vous aviez environ quatre ans, le monde a entrepris de vous persuader de quelque chose qui n’est pas vrai.
Vous apprendre que vous êtes moyen, que le métro boulot dodo est la normalité et la réussite. Que travailler pour les autres, obéir aux règles et marcher dans les clous est la seule voie possible.
Qu’il vous suffisait de montrer des signes de créativité, d’originalité ou même de génie, pour que les adultes conditionnés se précipitent pour vous remettre dans le rang.
Et aujourd’hui, on nous bombarde d’idées qui tentent de faire de nous quelque chose d’autre.
On nous dit comment être, à qui nous devons ressembler, comment vivre, quelles doivent être nos croyances, ce qu’on a le droit de dire ou pas, qui l’on a le droit de froisser ou pas avec nos opinions et nos idées, ce que nous devons porter…
Les idées viennent de partout, des médias, de la famille, des amis et même des inconnus.
On nous dit qu’il vaut mieux se conformer, car oser être différent, c’est courir le risque d’être rejeté.
Ainsi, nous nous efforçons de nous intégrer, nous nous façonnons pour, en substance, être comme tout le monde.
Nous devenons des moutons, qui avons oublié que nous sommes nés lions.
Être soi-même dans un monde qui essaye constamment de vous en empêcher est la plus grande des réussites.
Ralph Waldo Emmerson
Et ça pose une question digne du bac de philo :
Un lion qui croit être un mouton, est-lui même s’il se comporte comme un mouton ?
L’avenir appartient à ceux qui savent qui ils sont.
Ils peuvent tirer parti de leurs forces, de leurs faiblesses, de leurs zones de génies et de leur pouvoir créatif.
Ils peuvent ignorer ce qui n’est pas vraiment eux, et se détacher de la comparaison, du doute et de la souffrance.
Essayez de tirer parti d’un esprit qui a été créé par le monde extérieur et vous rejoindrez la masse du fade et de ceux qui disent tous la même chose et se congratulent d’être d’accord entre eux.
Et pourtant, nous voulons de l’originalité, de la personnalité et de la sagesse.
Pas un truc nian nian qui ressemble à tout le reste.
Alors ça veut dire quoi être soi-même ?
Votre identité n’existe que parce que les autres existent
Dans un monde où il n’y a pas d’yeux, le soleil ne serait pas lumineux. Et dans un monde où il n’y aurait pas de peaux douces, les rochers ne seraient pas durs, et dans un monde où il n’y aurait pas de muscles, ils ne seraient pas lourds. L’existence est une relation, et vous êtes en plein milieu de celle-ci.
Alan Watts
Dans un monde sans les autres, le moi n’existe pas.
Le “moi” ne peut exister que lorsqu’on arrive à faire une distinction entre nous et ce qui nous entoure.
C’est une autre façon de parler du cercle d’attachement.
Le détachement et la connaissance de soi, c’est réussir à reconnaître ce qui appartient aux cercles extérieurs et à s’en détacher pour ne garder que ce que nous sommes vraiment.
C’est le but de la spiritualité et de la non-dualité.
C’est apprendre à vaincre l’ennemi invisible de la différence.
Nous sommes des produits du monde extérieur.
Et les réseaux sociaux, la sur-socialisation et l’hyper-information renforcent le problème.
La socialisation peut rendre stupide.
Lorsqu’un esprit peu confiant est exposé à des centaines de milliers de pensées, de conseils et d’opinions, il s’embarque dans une dépression positive des dérives du développement personnel, et les pensées des autres deviennent ses propres pensées.
Son moi disparait.
La solution?
SAVOIR ETRE SEUL
Texte de Laurent Bertin